L’office des baladins (c’est le terme dont il se sert, Officium histrionum) n’est pas en soit illicite & défendu, quand il n’a pour but que de réjouir le monde ; ils ne sont pas en état de péché par le seul endroit de ces sortes de jeux, pourvû qu’ils en usent avec modération, c’est-à-dire, qu’ils ne se servent pas de paroles indécentes, mauvaises & dissolues, ou qu’ils ne fassent point d’actions contraires à l’honnêteté. » Il est donc évident que ce saint Docteur en parlant de la sorte, n’a jamais prétendu justifier la comédie, telle que l’ont condamnée les saints Docteurs. […] Thomas est donc bien éloigné d’être aussi favorable aux comédiens qu’ils le prétendent, & de croire qu’on puisse en conscience rien donner pour le dédommagement ou substance de ces farceurs ; puisqu’il le défend au contraire, au même endroit de sa seconde Seconde qu’ils nous citent, & peu après les paroles qu’ils croient les autoriser. […] On a beau dire que la comédie est autorisée par l’usage dans les Etats les mieux policés, qu’elle est permise partout : dèslors qu’on ne voit ni des Edits de la part des Princes, ni des Arrêts de la part des Magistrats qui la défendent, le prétendu usage en ce cas sera toujours un véritable abus qui ne la justifiera jamais, puisque l’Eglise l’a toujours condamnée. […] Ainsi ni la succession des années, ni la considération des personnes, ni l’autorité des puissances, ni les priviléges des plus florissantes nations, ne sauroient prescrire contre la condamnation de l’Eglise qui parle au nom & par l’autorité de Dieu, pour rendre légitime ce qu’elle a expressément condamné & défendu : c’est ainsi que parle Tertullien, touchant le voile des Vierges. […] Dans les choses qui concernent notre salut, personne ne nous a encore empéchés d’y travailler, quand nous l’avons voulu : & si ce sont des ennemis que vous appellez invisibles, il ne faut pas s’étonner que nous ne puissions pas nous en défendre.