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220. (1694) Lettre d’un Docteur de Sorbonne à une personne de Qualité, sur le sujet de la Comédie « letter » pp. 3-127

Mais il faut avouer de bonne foi que saint Thomas en s’objectant le métier de baladins, qu’il appelle Histriones, il semble les tolérer, pourvu qu’ils demeurent dans les termes de la modestie, qu’ils ne jouent pas dans des temps défendus, et que d’ailleurs ils satisfassent aux devoirs de la Piété Chrétienne. […] Il ne faut donc pas que notre Docteur prononce si souverainement que Saint François de Sales n’a point interdit l’usage de la Comédie, puisqu’il le rend comme impraticable par les conditions qu’il demande ; et que d’ailleurs il en dit assez pour en détourner tout à fait les Ames un peu chrétiennes. […] Notre Docteur pousse son impudence encore plus loin ; il se mêle de faire interroger les Evêques sur faits et articles, et les oblige de prononcer de vive voix l’absolution des Comédiens, ou en tout cas de les autoriser par leur silence : « D’ailleurs, dit-il, quand on demande aux Evêques et aux Prélats ce qu’ils pensent de la Comédie, ils protestent que quand elle est honnête, et qu’il n’y a rien dedans qui blesse les Mœurs et le Christianisme, ils ne prétendent point la censurer : et, quand ils ne le diraient pas, on peut le conjecturer de leur conduite, puisque dans les Diocèses où l’on se sert de ces Rituels, on ne laisse pas d’y jouer la Comédie, qui y est soufferte, et peut-être approuvée. » Il faut être bien hardi pour faire jurer des Evêques sur une telle matière ; et il ne le faut pas être moins pour leur faire approuver par leur conduite ce qu’ils condamnent dans leurs Rituels. […] Et ainsi aller à la Comédie ce jour-là, ce n’est point garder la circonstance des temps que saint Thomas et Albert le Grand veulent être observée dans l’usage des jeux ; quand d’ailleurs la Comédie ne porterait pas les marques de sa réprobation, même pour les autres jours.

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