Ce premier obstacle cessera donc d’en être un, si les Auteurs ne s’obstinent plus à croire qu’on ne peut attirer les François au Spectacle, qu’en introduisant sur le Théâtre des personnages plutôt semblables à des marionnettes qu’à des hommes. […] Non sans doute, il faut qu’il consacre ses veilles pour un objet aussi important ; je crois même qu’avec beaucoup d’art & de ménagement, il pourroit parvenir à faire ouvrir les yeux de la raison sur une coutume aussi insensée ; on se bat le plus souvent plutôt pour obéir au préjugé, que par un motif de bravoure, & il est peu de personnes qui ne desirassent avoir la liberté ou de se venger d’une injure, ou de la mépriser. […] Ainsi fut persécutée jadis la Comédie de l’Imposteur de Moliere, par la rage de ceux qui crurent se reconnoître dans le portrait que ce célebre Auteur avoit tracé de l’hypocrisie. […] Je ne crois pas qu’on me fasse un crime de la liberté que je demande pour la Comédie ; car qu’ont a craindre de la satire ceux qui font leur devoir, & de quelle utilité sont pour l’état ceux qui ne le font pas ? […] Si son but n’est que d’amuser, je conviens qu’elle a parfaitement réussi, & même qu’elle a atteint le degré de perfection ; mais si son but est d’instruire, je crois avoir démontré qu’elle n’a pas suivi le chemin qu’il falloit suivre pour y parvenir.