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76. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre VI. Siécle de Louis XV. Chap. 2. » pp. 161-170

Cir, le fut ensuite plusieurs fois à Versailles, devant le Roi, qui sans le vouloir ni le croire, revenoit ainsi au théatre. […] Voltaire trouve une contradiction entre l’infamie attachée au metier de comédien, & l’honneur qu’on fait au théatre de le régarder comme une école noble, utile, digne des personnes Royales ; il a raison, rien de plus ordinaire dans le monde, on croit se deshonorer en se mesalliant, & un Seigneur épouse une actrice. […] On croit un Dieu & on l’offense ; on croit un enfer & on s’y expose. […] Il appretie Moliere avec justice, il contribua à défaire le public des importuns subalternes (les petits maitres) de l’affectation des précieuses, du pédantisme des femmes scavantes, de la robe & du latin des médecins, & fut un législateur des bienséances du monde  ; mais cette saine morale, cette école de vertu, cette réforme des mœurs qu’on veut donner à Moliere, fait rire, ou plutôt fait pitié ; on plaint l’aveugle qui le croit ou l’avance, & le public qui est la victime de son libertinage. […]  19 que Louis XIV autrefois avoit exigé que le Doge vînt lui faire des excuses à Versailles, avec quatre Sénateurs ; on en ajouta deux pour l’Impératrice Reine (dont la dignité étoit supérieure) mais elle mit sa gloire à réfuser ce que Louis XIV avoit exigé, elle crut qu’il y avoit peu d’honneur à humilier les foibles, & ne songea qu’à tirer des contributions, dont elle avoit plus de besoin que du vain honneur de voir le Doge de la petite République de Genes avec six Genois au pied du Trône Impérial, c’est un poëte dramatique qui parle ici ; un autre avoit dit : Allez, Doge, allez sans peine, vous jetter à ses genoux, la République Romaine en eût fait autant que vous.

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