Racine soutint qu’un bon Poëte peut faire excuser les plus grands crimes, & inspirer de la compassion pour les criminels, qu’il ne falloit que de la fécondité & de la délicatesse d’esprit (& de l’impudence) pour diminuer tellement les crimes de Medée & de Phedre, qu’on les rendroit aimables aux spectateurs, au point d’inspirer de la pitié . On lui nia que cela fût possible, on voulut le tourner en ridicule sur une opinion si extraordinaire : il entreprit, pour la prouver, la tragédie de Phedre, où il réussit si bien à faire plaindre ses malheurs, qu’on a plus de pitié de la criminelle belle-mère, que du vertueux Hippolyte. C’est une des meilleures pièces de Racine, & par conséquent une des plus dangereuses, quoique traitée avec décence, si la décence se borne à ne rien dire de grossier, & s’il est fort décent de diminuer l’horreur des forfaits, & de rendre les criminels estimables par de brillantes enveloppes. […] Bien loin de faire aimer le criminel, on va le livrer au bourreau. […] Le criminel est connu & avéré ; le Poëte veut qu’on ait pitié de son malheur, qu’on aime sa personne.