Vous avés renoncé à la chair dans vôtre Baptême, c’est à dire, que vous avés promis de ne point vivre selon les sens : vous vous êtes engagés à regarder comme des crimes la molesse, l’indolence, la sensualité, & pour m’exprimer avec le grand Apôtre, à crucifier vôtre chair, à la châtier, à reduire vôtre corps en servitude ; ce n’est pas ici un état de perfection fondé sur la severité de la morale, c’est un vœu solemnel fondé sur le plus saint de tous les actes de Religion. […] loin de s’en faire des crimes, on s’en fait honneur : on est presque embarrassé dequoi l’on s’accusera au Tribunal sacré de la Pénitence, quoi qu’on soit chargé de mille crimes de la sorte ; & après une vie toute mondaine, toute voluptueuse, toute sensuelle, passée dans les jeux, dans les spectacles, on ne trouve presque rien à dire au Prêtre ! […] si vous vous representiés chaque jour devant les yeux le détachement du monde, la fuite de ses pompes & de ses plaisirs, la haine de vous-même, la mortification de vos sens, la vie de la Foi, que vous avés embrassées, la conformité avec Jesus-Christ, qu’il exige de vous comme son membre & son enfant, si vous le compreniés bien, qu’il faut aimer Dieu de tout vôtre cœur sans retour, ni partage, que vous ne pouvés sans crime porter ailleurs vos affections & vos desirs, que toute pensée, toute parole, toute œuvre qui ne se rapporte point à lui, est l’œuvre de Satan, & par consequent criminelle, qu’un simple regard qui ne tend pas à lui & à sa gloire, lui deplaît, l’offense ; qu’une seule demarche quelque innocente qu’elle paroisse, si elle ne se fait pas selon la charité, nous rend rebelles & coupables : si vous les compreniés bien, dis-je, ces verités, vous gemiriés sans cesse, vous viendriés souvent au pied du Tribunal vous declarer coupable devant Jesus-Christ vôtre Juge, dont le Confesseur tient la place. […] Voilà ce qu’ont fait tant des Saints : & après tant de crimes, tant de chûtes & de rechûtes, presque tout le monde demeure tranquille : des pécheurs déjà exclus de la celeste Patrie dont ils se sont rendus indignes, demeurent calmes sur leur destinée ; tout ce que l’on recommande aux Ministres qui les assistent, c’est de ne point les effraier, de ne point leur parler de ces terribles verités, & de les aider à se seduire & à se tranquiliser dans la fausse paix de leur conscience criminelle.