je citérai d’abord le Légataire, l’Avocat Patelin ; ensuite l’Homme à bonnes fortunes, & la Reconciliation Normande ; les deux premières donnent le succès à la scélératesse ; les deux autres, font rire le Public sur des vices qui sont le fléau de la société, & qu’on n’aurait dû peindre qu’avec les noirs pinceaux qui caractérisent les crimes dont ils sont la source : c’est des Drames de ce genre, qu’on peut dire qu’ils affaiblissent l’horreur qu’on avait, avant de les voir, pour le vice qu’ils entreprennent de combattre. […] Malgré ce que je viens de dire, jamais il ne faut, comme Molière l’a fait trop souvent, immoler au vice le simple ridicule : on a peine à retenir son indignation, dans cette même Piece de Georges Dandin, en voyant la manie des hautes alliances corrigée par le triomphe du crime de l’infidélité : le rire, à cette Comédie, le rire devient criminel, car il peut être un assentiment secret à la coquetterie, à l’adultère même : Molière, en la mettant au Théâtre, est d’autant plus coupable de pervertissement de mœurs, que les tableaux y sont mieux faits, les situations mieux amenées, & que les finesses d’une femme galante ainsi présentées, peuvent devenir une leçon pernicieuse à plus d’une Spectatrice. […] lorsqu’il s’agit de nous dénigrer, ils nous prêtent leur dureté, leur impudence, leur audace, leur intempérance : un instant après, ils ne rougissent pas d’outrer notre faiblesse, notre pusillanimité, & de nous en faire des crimes : je vais dire la vérité : Plus femmes que les femmes elles-mêmes, les hommes de nos jours sont lâches & cruels ; ils ont nos vapeurs & nos évanouissemens ; notre mollesse, notre friandisse, notre blanc, notre rouge, nos poudres, nos pommades, nos mouches, nos colifichets, tous nos défauts : Que leur manque-t-il pour nous ressembler entièrement ? […] Il faudrait que les hommes ne connussent pas ces crimes seulement de nom.