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20. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre I. Des Parfums. » pp. 7-32

Montagne y donnoit si fort qu’il parfumoit jusqu’à les moustaches, qu’on portoit alors fort grandes, afin d’avoir toujours la cassolette sous le nez ; aujourd’hui qu’on ne porte plus de moustaches, le tabac produit le même effet, on en prend à tout moment sans aucune nécessité ; on en est quelquefois couvert d’une manière dégoûtante. […] mais il ne faut pas leur en faire un crime, c’est une nécessité non-seulement parce que les maux & les odeurs qu’elles contractent par le libertinage, sont si dégoûtans qu’il faut les couvrir d’ambroisie, mais encore parce que c’est le costume ; elles représentent continuellement des Déesses, des Princesses Asiatiques. […] On voit par-tout dans Petrone, Apulée, Lucien, le lit des courtisannes, leurs habits, leurs meubles, couvert de fleurs & de parfums, partout dans le centon d’Aussone, dans les épitalames de Catulle, de Claudien, &c. le lit nuptial, les habits des nôces parfumés, profusion d’odeur analogue aux plaisirs qu’on se proposoit d’y goûter. […] Le Dieu de la treille ne fut jamais l’amant de Flore ; la rose & le jasmin ne saurcient couvrir les exhalaisons bachiques. […] Source intarissable de mauvaises odeurs elles fait du corps de l’homme un cloaque qu’il faut couvrir d’un nuage d’ambre gris ; Le crime le tient toujours dans l’ordure, il ne peut trop se parfumer, le vice transpire par tous les pores, c’est un cadavre embaumé, un momie que l’art du baigneur comme celui des Égyptiens remplit d’aromates ; que la décoration n’en impose pas.

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