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13. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 7 « Réflexions sur le théâtre, vol 7 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SEPTIÈME. — CHAPITRE III. Théatre de S. Foix. » pp. 52-75

Un homme transformé en buste, en mouton, en oiseau, en serpent, un homme qui mange & boit pour un autre, des morts qui reviennent du tombeau, des gens qui tout à coup deviennent hideux ou jolis, un coup de baguette qui transforme tout, des diables qui dansent, &c. […] L’aventure de l’amour dans les Graces, qui ne sait ce que c’est qu’une femme, dans Lucinde, dans l’Oracle, qui ne sait ce que c’est qu’un homme, celle de deux filles dans l’Isle sauvage, à qui leur mere fait accroire qu’on devient blanc ou noir selon qu’on aime ou n’aime pas ; qu’on l’examine bien, ce n’est qu’un thème mis en trois façons ; mais en toutes l’excès du bonheur d’un jeune cœur qui peu à peu goûte l’amour pour la premiere fois, n’annonce & ne forme qu’un voluptueux délicat, qui ne s’enivre pas tout d’un coup d’un plaisir extrême, mais qui savoure lentement, & boit à petits coups la douceur de la volupté, & se satisfait en caressant son idée, & exaltant par degrés la passion. […] Autre coup de pinceau de sa main : la réflexion de l’Amour, qu’on ne veut recevoir parmi les Graces qu’en lui liant les pieds & les mains avec des guirlandes de fleurs : Cette proposition n’est qu’une petite simagrée de vertu, & une timidité de jeune fille, qui, à la faveur de la précaution qu’elle exige, cherche à se faire illusion sur la démarche qu’elle hasarde. […] Mais j’ose dire que l’air de pruderie & de décence dont on veut faire honneur au théatre, n’est qu’un piege pour surprendre les simples, & un libertinage qui se joue effrontément de la vertu, & en emprunte les apparences, pour lui porter les plus funestes coups.

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