Si la comédie est innocente, si l’on peut y assister sans craindre de s’y corrompre & l’esprit & le cœur, pourquoi des condamnations si rigoureuses contre des hommes qui donnent au public un divertissement si agréable ? […] C’est à elle que les partisans du théâtre attribuent particulièrement le pouvoir de corriger les mœurs, & c’est elle que j’accuse sur tout de les altérer & de les corrompre. […] Il faut donc des Spectacles pour le monde, oui, j’en conviendrai, s’il le faut, avec vous ; mais laissez-les, mes Frères, à ce monde corrompu & frappé par Jésus-Christ de tant d’anathêmes. […] & la tranquillité dans laquelle les laissent de tels objets prouve-t-elle autre chose, sinon que leur cœur est déja profondément corrompu, que leur imagination est depuis long-temps accoutumée à ces horreurs, & qu’enfin c’est l’habitude du poison qui en émousse la force à leur égard ? […] Si le Poète, peu fidèle aux règles de son art, vous présentoit l’idée de certains désordres auxquels le monde, tout corrompu qu’il est, attache encore une juste ignominie, il révolteroit votre délicatesse, & l’horreur qu’il vous inspireroit, détruiroit en vous le sentiment du plaisir.