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36. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE I. Où l’on prouve que le spectacle est bon en lui-même et par conséquent au-dessus des reproches de M. Rousseau. » pp. 13-64

Il a corrigé nos Marquis de leur style effronté, qu’on ne retrouverait plus aujourd’hui que dans la bouche des laquais ; il a dégoûté des parties de cabaret, au point qu’une bonne partie de nos artisans même rougiraient qu’on put leur reprocher un goût si crapuleux. […] Les mœurs se sont embellies sans contredit, c’est-à-dire qu’elles ont été corrigées. […] Je ne sais si la bonne ou mauvaise opinion qu’on prendrait du cœur d’un Peuple ne serait pas fondée légitimement sur le goût de ses spectacles, il est certain, à ce qu’il me semble, que celui qui se laisse toucher d’horreur ou de pitié par des tableaux moins effrayants et moins atroces sera celui en faveur duquel on doit présumer qu’il est plus humain, plus vertueux, plus sensible, et par conséquent plus facile à corriger de ses défauts, puisqu’il faut des ressorts moins violents pour l’émouvoir et le toucher. […] C’est un troisième moyen d’instruire les hommes et de les corriger que la Providence a peut-être voulu joindre aux deux premiers pour aider les hommes à se rendre dignes de sa miséricorde, et qui sera tout aussi respectable que les autres quand on l’aura purgé de l’Anathème et qu’on aura corrigé quelques abus qui marchent encore à sa suite. […] Voilà Monsieur ce que les lois ont corrigé sur la scène : elles y peuvent donc quelque chose, puisqu’en ne permettant qu’à la Vertu d’y paraître, elles en ont banni le Vice ; puisqu’en n’y souffrant qu’une critique générale des mœurs, elles mettent les particuliers à couvert de la satire des Auteurs et de la malice des Comédiens.

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