Le but de la satire est de corriger les mœurs quand elles sont mauvaises ; & je crois que pour les corriger, il suffit de les peindre d’après nature, sans les charger d’un ridicule que les hommes savent bien y attacher d’eux-mêmes. […] En excluant, me dit-on, de la Comédie le ridicule qui tombe sur l’extérieur du vice, ou sa maniere d’être, vous ôtez à la Comédie son plus grand agrément, qui est celui de corriger les mœurs en faisant rire, & de faire passer dans l’ame des Spectateurs d’utiles vérités par le canal du plaisir. […] Il s’ensuit de ce tableau, que la Comédie dont le but est de corriger les mœurs, les rend plus mauvaises, puisqu’elle contribue à fortifier & à étendre l’amour-propre qui ne nous est déja que trop naturel. […] La Comédie qui cherche à corriger les hommes, ne doit donc point employer la raillerie, comme un moyen propre à parvenir à ce but. […] Il s’ensuivra delà que le but de la Comédie est de ne rien corriger, puisqu’on ne lui laisse la liberté que d’attaquer des défauts qui n’ont aucune qualité nuisible à la Société, & auxquels il me paroît fort difficile d’assigner un rang dans le genre vicieux.