Il n’en est pas de même d’un refus généreux ou d’une innocence bien défendue ; car outre que nous croyons plutôt le mal que le bien, à cause de la corruption générale où nous vivons, il est assuré que les belles actions ne nous touchent pas sensiblement, comme les mauvaises, parce qu’elles sont au-dessus des sens, et ne peuvent se faire sentir qu’à l’esprit ; lequel étant réflexif sur ses opérations se corrige soi-même, et au lieu de dire voilà un trait d’une haute probité, il me faut tâcher de le suivre, il se dit, voilà qui est joliment inventé, et bien qu’il en puisse dire autant de quelque lâcheté, les sens pourtant qui ont gagné le devant ne se désabusent qu’après un long temps, et à force d’être rappelés par la raison : ainsi l’occasion du péché demeure, et la beauté de la vertu s’évanouit. […] Quelques-uns ajoutent que s’il ne se corrige, il le faut reléguer en quelque Monastère à la campagne, et le contraindre d’y faire pénitence. […] C’est montrer qu’on connaît le mal ; mais qu’on manque de courage pour le corriger : Le pis est que ceux-là mêmes qui font les lois les rompent, et n’ont garde d’en venir jusqu’à la punition, parce qu’ils sont les premiers coupables : Mon cher Lecteur à qui c’est assez de connaître le mal pour l’éviter ; jugez-en comme les Sages, et ne faites point comme les fols : il ne se fait point de lois que dans un esprit rassis, et lorsque la raison est la plus pure : C’est pour lors que les hommes sont capables de juger du bien et du mal, mais l’insolence agit dans la passion, et pour montrer que toute sotte qu’elle est, elle connaît son péché, elle choisit la nuit et les ténèbres pour n’en point tant rougir.