Voyons maintenant ce qu’ont fait nos Poëtes comiques qui devoient travailler à corriger les Mœurs : ils se sont conformés au goût national, suivant l’usage de tout Auteur qui n’écrit pas pour instruire, mais pour se faire une réputation. […] Notre devoir est donc d’empêcher les hommes d’être ridicules, & non point de les corriger de leurs vices… A merveille : voilà donc la Comédie dont le but est de corriger les hommes, uniquement occupée à leur enseigner à déguiser leurs vices, c’est-à-dire à se tromper les uns & les autres. […] Il s’agit donc d’examiner quelle route à suivie Moliere pour corriger les hommes ; s’il a plutôt fait la guerre au fond du vice qu’au ridicule du vice, c’est-à-dire, toujours suivant mon premier principe, s’il s’est plutôt attaché à inspirer de l’horreur pour le vice, qu’à le rendre ridicule. […] Il faut donc faire envisager le misanthrope comme un fou, & tâcher de corriger les hommes de cette folie, par le portrait des excès auxquels cette folie peut conduire. […] Moliere en voulant corriger de la Misanthropie, ne s’est donc arrêté qu’à quelques effets superficiels & de peu de conséquence de ce vice, sans en dévoiler le fond.