C’est à ce Spectacle que non-seulement la magnificence, mais le merveilleux même sont absolument nécessaires : il faut qu’il soit tout-à-la-fois le triomphe des Arts, des Talens, & des Dons de la Nature : ainsi Peinture, Architecture, Sculpture, Machinisme, Danse, Voix, Musique, Actricisme, Poésie, tout cela doit y briller, produire l’étonnement, exciter l’admiration, enlever tous les suffrages : la seule chose qui pourrait y être médiocre, serait la Poésie, si d’ailleurs la Pièce était spectaculeuse, la Musique belle, les Décorations bien entendues, le Machinisme précis, le Jeu intelligent, & les Voix parfaites : la raison, c’est que, pourvu que le Poème soient chantant, que les paroles fournissent des situations, & que les vers aient de la douceur, cela suffit pour constituer un corps à la Musique, lui servir de texte, lui tracer les passions qu’elle doit peindre : c’est au Musicien à reveiller la pitié, à causer la terreur, à faire naître la tendresse, à porter l’étonnement dans les âmes, à les pénétrer d’admiration1. […] Il y a pourtant encore une autre indécence de geste, plus recherchée, plus fine, dont on n’est pas absolument corrigé ; elle consiste à accompagner une expression à double sens, d’un mouvement des yeux, des bras, ou du corps, qui fasse naître dans l’esprit du Spectateur, l’idée nondécente exclusivement à l’autre ; il arrive par-là, qu’une Pièce en apparence fort sagement écrite, très châtiée, devient néanmoins dangereuse à la représentation. […] Lorsque l’Auteur a dessiné, imaginé, créé, c’est à l’Acteur à constituer un corps à des beautés muettes ; c’est de lui que la Représentation doit recevoir l’importance, l’intérêt, & l’agrément. […] non-seulement la belle conformation du corps en serait le fruit, mais la santé y gagnerait infiniment, si tous les jours, les jeunes-gens que renferment nos Colléges, les jeunes personnes qu’on élève dans les Couvens de filles, donnaient trois heures à des Danses vives, savantes, compliquées, où tous les membres seraient exercés. […] Il ne faut pas croire que le travail du corps, ait le même effet, que les Exercices, pour fortifier ; il est nécessaire que le plaisir & l’élégance se joignent aux mouvemens, pour qu’on en tire le même fruit que les Anciens tiraient de leur Gymnastique*.