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136. (1754) Considerations sur l’art du théâtre. D*** à M. Jean-Jacques Rousseau, citoyen de Geneve « Considérations sur l’art du Théâtre. » pp. 5-82

Un art bon par soi-même ne sçauroit être contraire aux mœurs, que dans le cas où l’on en feroit un mauvais usage, (danger commun à tous les arts qui peuvent devenir pernicieux par l’abus) ce qui ne pourroit être attribué à un vice de l’art, mais de l’artiste, ou des amateurs de cet art. […] Si le Public, qui en fait ses délices aujourd’hui, étoit composé des mêmes personnes qui approuverent dans la nouveauté Cinna, Polieucte, Heraclius, &c. cette supposition auroit du moins une apparence de fondement ; mais le Public de ce siecle, ne peut être porté, que par la raison, à joindre son suffrage à ce-lui du siecle passé, & ne doit pas rougir d’être d’un avis contraire au sien. […] Il est bien singulier que vous redoutiez précisément le contraire de ce qui arrive. […] On peut tomber dans l’égarement, non par une surabondance d’amour pour la vertu, mais par un emportement deplacé contre les hommes qui sont assez malheureux pour s’en écarter, cet emportement est contraire à la raison, qui ne choisit jamais les extrémités. […] Tout cela s’est fort bien pû passer honnêtement ; & je serois faché de supposer le contraire.

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