s’il nous est ordonné de faire un pacte éternel avec nos yeux, pour ne pas nous exposer à considérer un objet dangereux ; si, selon la sagesse éternelle, on a déjà commis l’adultère dans son cœur, lorsqu’on regarde une femme avec un œil d’envie ; s’il faut être en garde contre toutes les occasions qui nous environnent dans la crainte de nous laisser surprendre par le péché ; si, lorsqu’on aime le danger, on y périt, comment excuser les Théâtres qui présentent à la vue des Actrices chargées de tout l’attirail propre à séduire, qui ne retentissent que des charmes de l’amour, qui ne préconisent que les plaisirs des sens ; et qui ne s’annoncent qu’avec tous les attributs du luxe et de la volupté ? […] et afin de n’en pas douter, considérez ce firmament où les étoiles comme en sentinelle attendent les ordres du Dieu qui les conduit ; contemplez ce soleil qui, toujours ancien et toujours nouveau, vous offre journellement l’image des plus brillantes couleurs et des plus superbes décorations ; regardez cette lune qui, par la douceur de sa lumière, donne à la nuit même des beautés que tout l’art des Peintres ne peut imiter ; voyez cette terre qui, par la plus admirable variété, se couvre successivement de fleurs et de fruits, et paraît un assemblage d’émeraudes, de saphirs et de rubis ; fixez la majesté de ces mers qui promenant leurs flots d’un bout du monde à l’autre, transportent les richesses et les passions des humains, et qui toujours prêtes à engloutir la terre, se voient continuellement arrêtées par un seul grain de sable que le Tout-Puissant oppose à leur fureur ; enfin considérez-vous vous-mêmes, admirez les merveilles qui résultent de l’union de votre âme avec votre corps, et donnez à vos pensées un essor qui les conduise à ces espaces immenses, et à ces jours éternels pour lesquels nous sommes nés. […] C’est là que vous verrez des mères qui encouragent elles-mêmes leurs filles à la mort, et qui considèrent leurs tourments avec une intrépidité que tout l’Univers ne peut entamer ; des vieillards qui se traînent avec joie au milieu des pierres et des injures, pour aller terminer leurs jours par les plus affreux supplices, et menacer les tyrans de la colère céleste.