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67. (1715) La critique du théâtre anglais « CHAPITRE IV. Le vice élevé en honneur et substitué à la place de la vertu sur le Théâtre Anglais. » pp. 240-301

A la vérité, tandis que la raison est sur ses gardes et que la conscience ne gauchit point, il n’y a guère lieu d’appréhender qu’on leur impose ouvertement. […] La conscience est selon eux une chimère gênante, et la vertu une pédanterie qui sied mal à un Cavalier : les vues et les soins d’un avenir sont des idées et des précautions propres du vulgaire : quiconque donne dans ces travers est un homme sans honneur, un homme à noyer. […]  » Il ajoute que la plainte générale d’aujourd’hui est que les Ecrivains n’ont rien de Poète que le nom ; que la poésie et en particulier celle du Théâtre ne met plus en œuvre que l’obscénité, la profanation et la licence effrénée d’outrager Dieu et les hommes : il confesse que cette plainte n’est que trop bien fondée, et marque une extrême douleur de ne pouvoir pas la démentir : il se flatte pourtant que tous ses confrères ne sont pas embarqués dans cette horrible entreprise de se damner. « A mon égard, poursuit-il, j’ose avancer, et je le fais sur le témoignage sensible de ma conscience, que j’ai toujours tremblé à la moindre pensée d’impiété et que j’ai toujours frémi des ordures qui sont aujourd’hui l’aliment du Théâtre.… Quel homme raisonnable, ou quel homme bien né ne rougit pas d’enflammer ainsi la convoitise ? […] Il n’y a pas d’apparence qu’on veuille aisément réitérer le crime dont l’aspect seul vient de nous effrayer ; quoiqu’on l’eût commis dans toutes les circonstances les plus capables de l’excuser : puisqu’à la première vue d’un crime d’ignorance et d’erreur on se trouble si fort ; ne serait-il pas bien étrange qu’on se resalît aussitôt l’imagination par le souvenir, et la conscience par le désir d’une chose qu’on n’ignore plus être un crime ? […] Torrismond n’a qu’à dire à sa Princesse, qu’elle ose être criminelle jusqu’où elle jugera à propos, que sa beauté doit faire taire tous les cris de sa conscience ; parce qu’il n’est rien que le Ciel ne soit obligé de pardonner à une belle personne.

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