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74. (1788) Sermons sur les spectacles (2) « Sermons sur les spectacles (2) » pp. 6-50

N’avons-nous pas entendu des hommes du monde reconnoître qu’on ne pouvoit y être attiré que par l’appas même de la licence, & avouer qu’en grossissant la foule des spectateurs, ils auroient eu honte d’y conduire les personnes dont ils avoient intérêt de conserver l’innocence & la vertu ? […] ce n’est pas lorsqu’elle se présente à nous sous l’idée du libertinage que la passion est la plus redoutable ; c’est au contraire lorsqu’elle se déguise sous le masque de l’honnêteté, lorsqu’elle prépare de loin la pente du précipice, & qu’elle cache sous des dehors imposans les désordres honteux auxquels elle veut nous conduire. […] Qui ne sait, en effet, mes Frères, que c’est dans de telles assemblées que se trouvent réunies les trois concupiscences, dans lesquelles consistent, selon Saint Jean, la corruption du monde & le titre de sa réprobation ; la concupiscence des yeux, la concupiscence de la chair, & l’orgueil de la vie ; que c’est-là qu’on étale le luxe le plus condamnable & les parures les plus insensées ; que le motif qui y conduit un si grand nombre de mondaines, est autant le désir d’y être vues que celui de voir ; qu’elles y deviennent elles-mêmes la partie la plus dangereuse du Spectacle ; qu’une infinité d’hommes, rassasiés du plaisir de la comédie ou incapables de le goûter, n’en connoissent point d’autre que celui de promener sur elles leurs regards indiscrets & voluptueux ? […] Appliquez-vous à vous-mêmes, mes Frères, cette réflexion : le Spectacle ne fait point sur vous d’impression dangereuse ; mais il en feroit sur un cœur pur & encore novice dans la connoissance du mal ; mais il en fait sur cette jeune personne que vous y conduisez ; il lui fait éprouver un sentiment jusqu’alors inconnu ; il remplit son esprit d’une curiosité inquiète, son cœur de désirs confus, son imagination de fantômes importuns.

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