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76. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE IV. Des Pièces pieuses. » pp. 68-95

C’étaient des Pélerins qui d’abord dans les Eglises et les cimetières, ensuite dans les maisons particulières, dans les places publiques, enfin sur un théâtre régulier pour le temps, voulaient mettre d’une manière sensible, sous les yeux d’un peuple grossier, des objets sublimes qu’il n’était pas en état de comprendre ; ce qu’on a souvent fait avec fruit dans les missions, par des tableaux allégoriques ou des représentations animées. […] C’est bien là qu’on peut dire avec le Duc de Montausier à Louis XIV, qui lui demandait ce qu’il pensait d’un opéra nouveau où on l’avait beaucoup loué : « Je pense dit-il, que Votre Majesté mérite tous ces éloges ; mais je ne puis comprendre qu’elle souffre qu’ils soient chantés par une troupe de faquins, et que l’on célèbre ses vertus dans le temple du vice et de la débauche ». […] Pour moi, je ne comprendrai jamais qu’il soit permis de faire semblant d’être idolâtre, de blasphémer par jeu, de transporter à des créatures pour se divertir, les honneurs dus à la Divinité. Je ne comprendrai jamais que quand on a de l’honneur, de la pudeur, de la religion, on puisse être flatté de se voir comparer au Dieu de la fureur, à la Déesse de l’impudicité : un Chrétien, Jupiter !

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