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67. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 3 « Chapitre IV. Le Peuple doit-il aller à la Comédie ? » pp. 60-74

« C’est par là que Molière illustrant ses écrits, Peut-être de son art eût emporté le prix ; Si moins ami du peuple en ses doctes peintures, Il n’eût point fait souvent grimacer les figures, Quitté pour le bouffon l’agréable et le fin, Et sans honte à Térence allié Tabarin. » M’écouterait-on, si je représentais que l’esprit d’irréligion, si funeste à tout le monde, et si commun au théâtre, se répand plus facilement dans le peuple, moins en garde contre la séduction, moins en état d’en repousser les traits et d’en démêler les pièges, lui dont la piété moins éclairée et plus simple confond aisément les objets, tient beaucoup plus à l’extérieur, et par conséquent peut être ébranlée à la moindre secousse, surtout quand on lui arraché les appuis nécessaires de l’instruction et des exercices de religion, en substituant le spectacle aux offices, et lui faisant oublier dans ses bouffonneries le peu qu’il sait de catéchisme, qu’on l’éblouit par le faste du spectacle, qu’on l’amollit par les attraits des Actrices, qu’on le dissipe par la science du langage ? […] leurs célibataires sont innombrables, et fort au-dessus du Clergé Romain, non seulement dans les pays Catholiques, où leurs mariages, disent-ils, sont difficiles, quoique les Ministres les épousent dans leurs assemblées, qu’ils tiennent régulièrement, que leur irréligion par des apparences de catholicité trompe tous les jours les Curés, d’ailleurs peu sévères sur les épreuves, et que sans tant de façons plusieurs entretiennent publiquement des concubines, qu’ils disent leurs femmes, mais même dans les pays Protestants, où rien ne les gêne, où leur religion et leurs déclamations contre l’état monastique leur en font un devoir, rien de plus commun que le célibat. […] En effet ce ne fut que dans le temps où le théâtre fut le plus en vogue, que le célibat fut le plus commun.

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