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219. (1666) La famille sainte « DES DIVERTISSEMENTS » pp. 409-504

Le troisième excès est encore plus dangereux que les deux autres ; car sitôt que l’entretien tombe de la bienséance dans la raillerie, ou dans le libertinage, il fait plus de mal que de bien : Otez-moi ces personnes qui ne peuvent rien dire qui ne pique, et qui sont capables de faire autant de querelles, qu’ils disent de mots : Ces gens-là doivent être comparés à Cadmus ; lequel ayant semé des dents de serpent, en fit aussitôt naître des hommes armés, qui se tuèrent au même moment qu’ils commencèrent à vivre : L’entretien serait insupportable, s’il fallait s’y commettre, ou à soutenir un combat, ou à souffrir les piqûres d’une langue qui tranche de tous côtés ; aussi les craint-on comme des bêtes farouches qui font des solitudes partout où elles se trouvent, et on évite aussi soigneusement leur conversation que la rencontre d’un serpent : Qui pourrait s’aimer en une compagnie où on déclare la guerre à Dieu et à ses Saints ? […] On a beau dire que ce n’est point dans les grandes compagnies où le péché se commet, que c’est un monstre qui fuit d’être vu : Il est vrai qu’il y a des péchés honteux qui n’oseraient paraître dans les belles assemblées, mais les jalousies, les ambitions, les médisances n'y trouvent-elles point de place ? […] C’est flatter le vice de parler ainsi : Il n’est point nécessaire d’avoir une mauvaise intention pour commettre un péché ; c’est assez que la chose que vous faites ne se devait point faire. […] Platon qui n’avait pas entendu les exécrables blasphèmes que les Chrétiens y commettent, qui vont au-delà de tous les excès de l’impiété païenne, croyait avoir assez de connaissance du malheur qui en revient aux hommes pour assurer qu’un Lutin nommé Theuth en était l’auteur.

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