Lettre sur la Comédie de l’Imposteur Monsieur, Puisque c’est un crime pour moi que d’avoir été à la première représentation de L’Imposteur, que vous avez manquée, et que je ne saurais en obtenir le pardon qu’en réparant la perte que vous avez faite et qu’il vous plaît de m’imputer, il faut bien que j’essaie de rentrer dans vos bonnes grâces, et que je fasse violence à ma paresse pour satisfaire votre curiosité. […] La première est sur l’étrange disposition d’esprit touchant cette comédie, de certaines gens, qui supposant ou croyant de bonne foi qu’il ne s’y fait ni dit rien qui puisse en particulier faire aucun méchant effet – ce qui est le point de la question – la condamnent toutefois en général, à cause seulement qu’il y est parlé de la Religion, et que le Théâtre, disent-ils, n’est pas un lieu où il la faille enseigner. […] Ce fut pour toutes ces raisons que nos pères, dont la simplicité avait autant de rapport avec l’Évangile, que notre raffinement en est éloigné, voulant profiter à l’édification du peuple de son inclination naturelle pour les spectacles, instituèrent premièrement la comédie pour représenter la Passion du Sauveur du monde, et semblables sujets pieux. […] Voilà, Monsieur, la preuve de ma réflexion ; ce n’est pas à moi à juger si elle est bonne, mais je sais bien que si elle l’est, l’importance en est sans doute extrême ; et s’il faut estimer les remèdes d’autant plus que les maladies sont incurables, vous m’avouerez que cette Comédie est une excellente chose à cet égard, puisque tous les autres efforts qui se font contre la galanterie, sont absolument vains. […] Or pouvait-on combattre cette opinion perverse plus fortement, qu’en découvrant la turpitude naturelle de ces bas attachements, et faisant voir par les seules lumières de la Nature, comme dans cette Comédie, que non seulement cette passion est criminelle, injuste et déraisonnable, mais même qu’elle l’est extrêmement, puisque c’est jusques à en paraître ridicule ?