Le peuple est bien aise d’entendre le secret des cœurs et des conseils ; d’entrer dans l’intelligence des causes, que la police et que les passions lui cachent ; de se rendre juge des Princes, qui se font la guerre, pour lui donner du plaisir. […] Les disgrâces qui entrecoupent les grands desseins ; contentent, parce qu’elles excitent la miséricorde dont la nature a mis les semences dans notre cœur ; elles servent de consolation à la misère des affligés, et de lustre à la fortune des plus heureux : la magnificence des Théâtres, les changements des scènes ; la beauté, les ornements des personnages, contribuent beaucoup au plaisir, et une secrète sympathie fait que les mouvements du cœur sont plus forts, néanmoins plus doux, en ce qu’ils paraissent plus justes étant communs dans les assemblées. Il est certain que si les théâtres ne représentaient que les choses honnêtes, la pompe de leur appareil, et les naïvetés de leurs actions, seraient de belles et puissantes armes, pour assurer l’empire de la vertu dans le cœur. […] L’amour qui est le tyran des cœurs, est le grand sujet des théâtres, et pour expliquer sa puissance, on le décrit qui arme toutes les passions, qui commet tous les désordres imaginables, sous un prétexte de Justice. […] Que cet art est pernicieux qui ne laisse point mourir les crimes avec le temps, et qui fait l’extrait de ce que les siècles passés ont eu de plus abominable, qui fait renaître ces venins ; qui les donne sans le tempérament que les longueurs, ou que le mélange des affaires y apportent, afin d’agir avec plus de violence sur l’intégrité des cœurs.