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45. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique —  CHAPITRE XI. Les Grecs ont-ils porté plus loin que nous la perfection de la Tragédie ? » pp. 316-335

Il ne falloit pas un grand effort d’imagination pour sauver l’horreur du crime d’Oreste, qui peut avoir tué sa Mere sans la connoître : les trois grands Poëtes de la Grece ont traité ce même Sujet, sans chercher à en adoucir l’horreur. […] Sa victoire passagere, dépendoit des applaudissemens du Peuple, & il ne pouvoit les attirer qu’en jettant ce Peuple dans une grande émotion, par la vivacité de l’Action ; il songeoit donc plutôt à peindre les Passions dans toute leur fureur, qu’à chercher ces finesses de l’Art, que l’Art sait cacher pour donner à l’esprit le plaisir de les chercher, par cette adresse à développer les ressorts du cœur humain, par cette délicatesse de sentimens, & toutes ces beautés, qu’on ne découvre pas dans une premiére lecture, loin qu’on en puisse être frappé dans la premiere Représentation. […] Quel Poëte oseroit faire revenir Œdippe sur notre Théâtre après qu’il s’est crevé les yeux, comme il revenoit sur celui d’Athénes, couvert de sang, ayant sur les yeux un voile ensanglanté, étendant ses mains tremblantes pour chercher ses Enfans, & poussant de grands cris ?

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