Cette raison suffirait, indépendamment des autres, pour prouver l’utilité des Spectacles, c’est un objet important, noble, relevé, digne de toute l’attention du Gouvernement, de chercher à satisfaire le peuple, en lui procurant des délassemens honnêtes. […] Je conviendrai donc, que l’austérité Républicaine ne peut comporter les Drames de ces deux derniers genres, parce que, eu égard au besoin qu’ont les hommes d’un contrepoids qui balance cette consentanéité dont jouit le vice, ils sont presque toujours pernicieux ; non pas absolument par l’action en elle-même, mais par la manière dont elle est présentée, & parce que l’Auteur n’ayant cherché qu’à donner du plaisir, il a laissé toute leur force aux inconvéniens de l’Histrionisme. Je conviens encore que l’Auteur d’un Drame sachant que ce n’est pas dans sa Pièce seule qu’est la source du plaisir qu’on va chercher au Spectacle, il peut légitimement compter sur le jeu des Acteurs & les grâces des Actrices ; supposer que sa Pièce tirera son principal agrément & sa plus grande force, de la bouche qui doit la débiter : mais, par cette raison même, c’est à lui, s’il prétend au mérite solide d’être un Citoyen utile, estimable, à ne fournir au Comédien qu’un jeu décent ; à ne rien mettre dans la bouche des Actrices qui puisse par elles se changer en poison pour les Spectateurs. […] Je vois même un avantage considérable à donner de-temps-en-temps cet amusement aux Provinces éloignées ; il consiste en ce que le Spectacle dramatique, quoique momentané, retiendra chez eux les gens aisés, qui ne se verront pas dans la nécessité de venir le chercher coûteusement à la Capitale. […] Je sens bien qu’un Sage, parvenu avec peine à se former un bonheur uniquement fondé sur ses devoirs remplis, est plus heureux que ce qui cherchent au dehors les amusemens & les distractions.