J’ai vu l’Amant une Bergere, Lorsqu’elle dormoit dans un bois, Prescrire aux oiseaux de se taire, Et lui chanter à pleine voix. […] On sçait avec quelle chaleur ce dernier, qui étoit Scipion l’Africain, s’éleva contre l’usage où l’on étoit de son temps, de se servir des Comédiens pour apprendre aux jeunes gens à danser, à chanter ou à déclamer ; exercices, dit-il, qui auroient paru honteux à nos ancêtres, qui n’auroient point voulu, pour la moindre partie de leur éducation, confier leurs enfans à des gens décriés par leur profession ou par leur conduite171 : mais comme l’a dit M. de Montesquieu [Espr. des Loix. l. 7, c. 10], pour juger de la violation des mœurs, il faut en avoir. […] Mezerai a dit qu’Anne de Boulen, femme de Henri VIII, sçavoit trop bien chanter pour être sage. […] Au reste on s’est expliqué page 81 de nos Lettres, sur l’hommage que l’on doit à la Musique, dont l’invention doit être même considérée comme un présent que l’Auteur de la nature nous a sait pour l’employer à chanter sa gloire, à lui exposer nos besoins, à le remercier de ses dons, à manifester notre joie dans la prospérité, à dissiper nos chagrins dans nos afflictions, à soulager nos peines dans nos travaux, à exciter enfin l’ardeur martiale dans le cœur des combattans, Quid autem aliud in nostris legionibus cornua ac tubæ faciunt ?