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356. (1666) La famille sainte « DES DIVERTISSEMENTS » pp. 409-504

La pointe de l’esprit les pique sans cesse, et ses menaces vont quelquefois si avant, que les plus résolus se rendent et s’abattent sous la crainte de ses châtiments. […] Aristote qui parle des choses assez sainement, et ne se plaît point à l’hyperbole, condamne les joueurs de larcin, il dit que leur gain est injuste, et qu’il faut une grande bassesse de cœur pour se vouloir faire riche d’un si honteux métier : Dans sa pensée il n’y a pas grande différence entre un joueur et un larron : Pour continuer dans le Jeu, il faut de quoi ; si on ne le trouve point chez soi, on est en danger de le chercher ailleurs : Si l’appétit du jeu cessait aussitôt que la bourse est vide, il ne serait pas si dangereux ; mais il arrive tout le contraire ; plus on perd, et plus on a d’ardeur pour le jeu. […] montra bien un jour cette patiente miséricorde envers un joueur : Cet avorton d’Enfer qui fut depuis changé en Ange du Paradis, ayant joué et perdu ce qu’il avait, prit son arc et en décocha vers le Ciel, comme s’il eût voulu appeler Dieu au combat, et l’obliger à lui faire raison de sa mauvaise fortune ; elle retomba devant ses yeux toute teinte de sang, qui n’était que pour lui dire de la part de Dieu : Cesse de m’outrager ; tu as ce que tu peux prétendre, tu as voulu avoir de mon sang, tu en as : Mets bas les armes, retournons en grâce et soyons bons amis ; la chose se terminera à l’amiable.

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