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171. (1694) Lettre d’un Docteur de Sorbonne à une personne de Qualité, sur le sujet de la Comédie « letter » pp. 3-127

Il témoigne même ne parler en cette occasion de la danse de David qu’à contrecœur, et que parce que les libertins de son temps autorisaient les Spectacles par cet exemple, et par quelques autres semblables tirés de l’Ecriture : « Pudor me tenet, dit ce Père, praescriptiones eorum in hac causa, et patrocinia referre.» […] Mais on lui a fait assez voir la faiblesse de ses preuves ; et on lui soutient encore avec les plus habiles gens et les meilleurs connaisseurs, que dans les Comédies mêmes que l’on joue aujourd’hui, il reste toujours quelque chose de la première corruption des Spectacles ; qu’on y étale encore tout ce que le monde a de plus vain et de plus pompeux, qu’on y fait toute sorte d’efforts pour enchanter les yeux et les oreilles ; et qu’on n’y épargne rien de tout ce qui peut séduire le cœur par le remuement des passions, dont on fait jouer souvent les ressorts les plus fins sous de belles apparences de vertus : en sorte qu’un Comédien croirait avoir perdu son temps s’il n’avait causé quelque émotion et fait quelque brèche au cœur de ses Spectateurs ; et que les Spectateurs de même croiraient avoir perdu leur argent s’ils sortaient de la Comédie aussi froids qu’ils y sont entrés. […] Mais quand ce qu’il dit serait vrai, cela ne suffirait pas pour canoniser un Comédien, non plus qu’on ne canonisera pas certaines femmes qui font les béates dans les Eglises, et qui sont effectivement des enragées dans leur famille ; « Bonum ex integra causa», disent les Philosophes : les hauts et les bas ne se souffrent point particulièrement dans la vie d’un Chrétien qui doit être toute unie ; et la règle qui doit l’unir, c’est l’Evangile de Jésus-Christ. […] Et je vous avoue que j’aurais de la peine à les sauver de péché mortel, aussi bien que les Evêques, les Abbés et tout les gens constitués en dignité Ecclésiastique : non pas qu’ils assistassent à des Spectacles mauvais, mais parce qu’étant consacrés à Dieu, ils doivent se priver des divertissements du siècle ; outre que leur présence en ces sortes de lieux pourrait causer du scandale, et que, pour me servir des paroles de saint Augustin, ils doivent mépriser tous les vains amusements du monde, pour ne se nourrir l’esprit que de la lecture et de la méditation des saintes Lettres.

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