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61. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre onzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre II. Autres Anecdotes du Théatre. » pp. 43-70

Son ministère étant libre, il peut & doit rendre la cause dont il s’est chargé sans le savoir, & ne pas s’exposer à l’odieux dénouement de ruiner la personne qu’il aime, ou se rendre suspect à sa partie, si elle vient à connoître l’intrigue. Un plaideur persuadé de la bonté de sa cause, refusoit toutes les propositions d’accomodement, il va voir son rapporteur, chez qui enfin, après une douzaine de visites inutiles, il fut admis dans l’antichambre, il y attendit long-tems, enfin impatienté, il s’approche de la porte de la chambre où il entendoit du bruit, regarde par quelque fente, & voit son Juge en chemise, avec un danseur de la comédie, qui lui apprenoit à cabrioler & à danser sur la corde ; il y revient plusieurs fois pour s’en bien assurer, il s’enfuit aussi-tôt, & courut chez ses parties accepter les propositions qu’il avoit refusées, & s’accomoda. […] Tel est encore le jugement du sieur Richer, continuateur des Causes célebres ; de Guiot de Pytaval, tom. 2. […] Richer a su apprécier les faits de cette cause singuliere, & en a sagement écarté les sornetteries & le sortilége qu’on y avoit répandu. […] L’amour n’étoit pas le foible de ce Jésuite, qui avoit alors plus de cinquante ans ; son plus grand crime fut d’être en bute à une cabale qui ne savoit point pardonner, & d’avoir eu la foiblesse de prêter l’oreille aux prétendus miracles de la pénitente, dont la réputation de sainteté, augmentoit celle du directeur : aussi le Parlement d’Aix jugea que le seul dénouement que l’on devoit donner à cette cause ridicule, qui pouvoit devenir funeste, étoit de mettre les parties hors de cour & de procès .

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