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110. (1667) Lettre sur la Comédie de l'Imposteur « Lettre sur la Comédie de l’Imposteur » pp. 1-124

Ensuite ceux qui sont restés parlent d’affaire, et exposent qu’ils sont en peine de faire achever un mariage, qui est arrêté depuis longtemps, d’un fort brave Cavalier avec la fille de la maison, et que pourtant le Père de la Fille diffère fort obstinément ; ne sachant quelle peut être la cause de ce retardement, ils l’attribuent fort naturellement au principe général de toutes les actions de ce pauvre homme coiffé de Monsieur Panulphe, c’est-à-dire à Monsieur Panulphe même, sans toutefois comprendre pourquoi ni comment il peut en être la cause. […] Ce qui est admirablement dans la nature, que cet homme se soit mis dans l’esprit que sa fille trouve Panulphe aimable pour mari, à cause que lui l’aime pour ami, n’y ayant rien de plus vrai, dans les cas comme celui-ci, que la maxime, que nous jugeons des autres par nous-mêmes, parce que nous croyons toujours nos sentiments et nos inclinations fort raisonnables. […] Et par là finit l’Acte, qui laisse, comme on voit, dans toutes les règles de l’art, une curiosité et une impatience extrême de savoir ce qui arrivera de cette entrevue ; comme le premier avait laissé le Spectateur en suspens et en doute de la cause pourquoi le mariage de Valère et de Mariane était rompu, qui est expliqué d’abord à l’entrée du second, comme on a vu. […] Or si la disconvenance est l’essentiel du Ridicule, il est aisé de voir pourquoi la galanterie de Panulphe paraît ridicule, et l’hypocrisie en général aussi ; car ce n’est qu’à cause que les actions secrètes des bigots ne conviennent pas à l’idée que leur dévote grimace, et l’austérité de leurs discours a fait former d’eux au public. […] Le désordre ne procède d’autre cause que de l’opinion impie où la plupart des gens du monde sont aujourd’hui, que ce péché est moralement indifférent, et que c’est un point où la Religion contrarie directement la Raison naturelle.

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