Je me garderai donc bien de vous faire aucun reproche personnel ; mais, après cette déclaration, ne nous sera-t-il pas permis de regretter la perte que la Nation a faite de tant de génies si capables de lui rendre des services importans, s’ils se fussent occupés de ses vrais besoins, & s’ils eussent préféré la gloire de l’éclairer au stérile emploi de l’amuser ? […] Si l’on prenoit soin d’inculquer de bonne heure, aux jeunes gens, qu’ils ne sont point faits comme de vils animaux, pour se procurer des sensations voluptueuses ; que leur raison est le flambeau qui doit les éclairer ; que cette raison a besoin d’être épurée ; qu’elle dicte des devoirs ; que la satisfaction qui provient des actions vertueuses, ou conformes à la raison, est le plus grand de tous les plaisirs & le seul permanent ; qu’un homme, qui néglige sa raison, est plus à plaindre que celui qui renonceroit volontairement à l’usage de ses yeux ; qu’il est aussi impossible d’être heureux, avec une ame souillée de vices, que de se bien porter avec un corps couvert d’ulceres ; que la Science est la source des biens, l’ignorance la source de tous les maux, &c. […] L’ame se passionne & devient naturellement éloquente ; les expressions mâles & nerveuses ne manquent point au besoin ; le style prend de la noblesse & de la force sans le secours de l’art.