Il y a longtemps que j’ai observé que nos anciennes pièces de théâtre qui ont le plus réussi il y a 80 ans mériteraient d’être perfectionnées quelque temps après la mort des Auteurs, du moins par rapport aux mœurs, d’un côté la langue change et de l’autre la raison croît et le goût se raffine ; il nous paraît aujourd’hui dans ces pièces des défauts, qui ne paraissaient point à nos pères, gens d’esprit, il y a cinquante ans : or ces pièces ainsi perfectionnées vaudraient ordinairement beaucoup mieux, soit pour le plaisir, soit pour l’utilité de l’auditeur, que les pièces nouvelles, c’est qu’il est bien plus facile au même Auteur de perfectionner un ouvrage qui a déjà plusieurs beautés et d’en faire un excellent que d’en faire un tout neuf qui soit exempt de défauts, et rempli de plus grandes beautés et en plus grand nombre que l’ancien qui était déjà fort bon. Je sais bien qu’un nouvel Auteur peut traiter le même sujet que l’ancien, mais de peur de passer pour plagiaire, il évitera de copier les plus belles scènes et de se servir des plus beaux vers ; il fera peut-être mieux à tout prendre que l’ancien Auteur, qui a traité le même sujet, mais sa pièce aurait été beaucoup meilleure, s’il avait pu sans scrupule et sans rien diminuer de sa réputation se servir de tout ce qu’il a trouvé d’excellent dans l’ancienne pièce ; or pour cela il faudrait qu’il lui fût imposé par un prix proposé de perfectionner telle pièce, alors il ne perdrait rien des beautés de telle pièce de Corneille, de Racine, de Molière et de leurs successeurs, ou s’il se trouvait forcé de perdre quelques-unes de ces beautés, il leur en substituerait de plus grandes et y en ajouterait de nouvelles.