On a beau lui dire que, puisqu’il ne doit pas répondre à la candeur publique, il devrait laisser à nos évêques et à nos prélats le soin de sanctifier nos mœurs, il soutient que c’est le devoir d’un chrétien de corriger tous ceux qui manquent, et sans considérer qu’il n’est pas plus blâmable de souffrir les impiétés qu’on pourrait empêcher que d’ambitionner à passer pour le réformateur de la vie humaine, il vient de composer un livre où il se déclare le plus ferme appui et le meilleur soutien de la vertu. Mais ne m’avouera-t-on point qu’il s’y prend bien mal pour nous persuader que la véritable dévotion le fait agir, lorsqu’il traite Monsieur de Molière de démon incarné, parce qu’il a fait des pièces galantes et qu’il n’emploie pas ce beau talent que la nature lui a donné à traduire la vie des saints Pères ? […] Il fallait, pour vous couvrir plus adroitement, exagérer, s’il se pouvait, par un beau discours, la délicatesse et la grandeur de son esprit, le faire passer pour l’acteur le plus achevé qui eût jamais paru, et comme cet éloge nous aurait persuadés que vous preniez plaisir de découvrir à tout le monde ses perfections et ses qualités, nous aurions eu plus de disposition à vous croire, lorsque vous auriez dit qu’il était impie et libertin, et que ce n’était que par contrainte et pour décharger votre conscience que vous le repreniez de ses défauts. […] Car vous m’avouerez, quelque scrupuleux que vous soyez, que vous ne trouvez rien à reprendre dans la réception qu’on fait à Monsieur Dimanche : il n’est pas plus tôt entré dans la maison qu’on lui donne le plus beau fauteuil de la salle, et quand il est près de s’en aller, jamais homme ne fut prié de meilleure grâce à souper dans le logis. Je me souviens pourtant encore d’un nouveau sujet que ce valet vous donne de vous plaindre de lui : n’est-il pas vrai que vous souffrez furieusement de le voir à table tête à tête avec son maître, manger si brutalement à la vue de tant de beau monde ?