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142. (1758) Lettre de J. J. Rousseau à M. D’Alembert « JEAN-JACQUES ROUSSEAU. CITOYEN DE GENÈVE, A Monsieur D’ALEMBERT. » pp. 1-264

Il en est pourtant une espèce dont je voudrais bien qu’on se fît moins de scrupule, savoir les bals entre de jeunes personnes à marier. […] Pour moi, loin de blâmer de si simples amusements, je voudrais au contraire qu’ils fussent publiquement autorisés, et qu’on y prévînt tout désordre particulier en les convertissant en bals solennels et périodiques, ouverts indistinctement à toute la jeunesse à marier. Je voudrais qu’un Magistrat63, nommé par le Conseil, ne dédaignât pas de présider à ces bals. […] Je voudrais que tous les ans, au dernier bal, la jeune personne qui, durant les précédents, se serait comportée le plus honnêtement, le plus modestement, et aurait plu davantage à tout le monde au jugement du Parquet, fût honorée d’une couronne par la main du Seigneur-Commis 64, et du titre de Reine du bal qu’elle porterait toute l’année. […] Les liaisons devenant plus faciles, les mariages seraient plus fréquents ; ces mariages, moins circonscrits par les mêmes conditions, préviendraient les partis, tempéreraient l’excessive inégalité, maintiendraient mieux le corps du Peuple dans l’esprit de sa constitution ; ces bals ainsi dirigés ressembleraient moins à un spectacle public qu’à l’assemblée d’une grande famille, et du sein de la joie et des plaisirs naîtraient la conservation, la concorde, et la prospérité de la République65.

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