Mais si la solide vertu manque, du moins l’autorité des lois en conservera les dehors, et obligera ses ennemis même à la respecter. […] Etroitement liées à cette règle primitive, source de toutes les autres lois, qui n’en sont que le développement, elles ont dans tous les temps employé toute leur autorité, qu’elles tiennent de la religion même, pour empêcher toutes les représentations théâtrales, si l’ascendant du vice l’eût permis, ou pour en arrêter les désordres. […] Par là, il désarma l’autorité des Magistrats, qui ne pouvaient toucher aux temples : objet dans toutes les religions réservé aux seuls Prêtres, et ce n’est peut-être pas une fausse conjecture de dire qu’en punition de cet ouvrage, qui ouvrant une source empoisonnée de toute sorte de débauche, acheva de corrompre les Romains, cet homme si puissant, si célèbre, si grand dans la république, qui en était le soutien et l’oracle, fut vaincu par César, et mourut misérablement en Egypte, où il allait chercher un asile. […] Lorsque les Italiens et les Anglais apprennent que nous flétrissons de la plus grande infamie un art dans lequel nous excellons, qu’on excommunie des personnes gagées par le Roi, que l’on condamne comme impie un spectacle représenté dans des couvents, qu’on déshonore des pièces où Louis XIV et Louis XV ont été acteurs, qu’on déclare œuvre du démon des pièces reçues par des Magistrats et représentées devant une Reine vertueuse, quand des étrangers apprennent cette insolence et ce manque de respect à l’autorité royale, cette barbarie gothique, qu’on ose nommer sévérité chrétienne, peuvent-ils concevoir que nos lois autorisent un art déclaré infâme, ou qu’on ose couvrir d’infamie un art autorisé par les lois, récompensé par les Souverains, cultivé par les plus grands hommes, et qu’on trouve chez le même Libraire l’impertinent libelle du Père le Brun à côté des ouvrages immortels de Corneille, Racine, Molière ? […] Revenons à la vérité du mot de Bossuet, « il y a de grands exemples pour, et de grandes raisons contre », que Louis XIV ne prit pas pour une insolence et un manque de respect à son autorité.