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9. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — Lettre premiere. » pp. 2-17

Les Casuistes ne sont point rares dans la capitale du Royaume ; il falloit interroger la Sorbonne : le Prélat, les Pasteurs vous auroient répondu volontiers ; mais vous vouliez être autorisée, & désesperant d’en tirer un avis favorable, vous avez imité les Rois d’Israël, qui consultoient les faux Prophétes : semblable à ces enfans du mensonge dont parle Isaie, qui disoient aux Prophétes : Ne nous annoncez aucune vérité fâcheuse, ce sont des oracles conformes à nos inclinations, que nous attendons de vous ; n’importe pas que ce soit des erreurs, pourvû qu’elles nous plaisent1. […] Si un Magistrat tenoit ce langage, nous lui répondrions : Vous n’êtes point vous seul Interpréte de la Loi, il faut attendre que vous ayez de votre côté la pluralité des suffrages, nous ajouterions : Vous êtes l’Interpréte des Loix civiles, mais les décisions qui concernent la foi dans sa morale & dans ses dogmes, sont du ressort exclusif des Ministres de l’Eglise ; vous avez votre objet, les Prélats ont le leur : l’un & l’autre n’ont aucune dépendance respective. […] Le sieur de la M… a cruellement abusé de votre patience, Mademoiselle, il auroit dû ménager d’avantage la délicatesse de vos oreilles ; les Tragédies de Corneille vous ont fait aimer la précision ; c’est un goût qui mérite des égards, & vous pouvez les attendre de moi.

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