Si donc c’est un crime & une espece d’Apostasie, comme nous avons déja dit, d’aimer & de rechercher les vanitez de ce monde, n’est-ce pas un sujet de craindre qu’on ne les aime, & qu’on ne s’y attache, que de s’y plaire, d’y courir avec ardeur, & d’en faire son plus grand divertissement ? Vous me direz qu’au Baptême on n’a renoncé qu’à l’affection & à l’attachement qu’on pourroit avoir aux pompes & aux vanitez du monde ; parce que s’en separer absolument, c’est un état de perfection à quoy Dieu n’oblige pas toutes sortes de personnes : cela est vray ; mais c’est un précepte de s’en separer du moins de cœur & de volonté, d’estime & de desir ; or dites-moy, si vous ne voyez point de danger d’y attacher vôtre affection, en y assistant si volontiers, & en y prenant tant de plaisir ? N’est-ce pas plûtôt déja une marque qu’on y est fortement attaché, que d’y demeurer avec plaisir, d’y courir avec empressement, d’y passer les jours & les nuits, & de n’avoir point de plus grand divertissement ? […] Il n’est pas moins inutile d’ajoûter, que quoyque l’on ne voye guere de pieces de Theâtre sans amour, & que pour l’y faire entrer, on n’a pas même égard à la verité de l’Histoire, pourvû qu’on ne sorte point de la vray-semblance ; neanmoins on n’y represente que des passions legitimes, qui ont pour fin le Mariage, que Dieu même a authorisé, & institué le premier ; parce que l’esprit de ceux qui les voyent representer, ne s’attache qu’à ce qui luy plaît, & fait abstraction des circonstances qui les peuvent justifier ; car ce n’est pas une chose que les Acteurs puissent regler dans ceux qui écoutent, ni arrêter dans les limites qui sont permises, comme fait le Poëte dans ses Vers ; au contraire les spectateurs n’en reçoivent souvent que ce qu’elles ont de criminel ; & elles agissent ensuite selon la difference des dispositions qu’elles rencontrent ; & l’on peut dire, que souvent la representation d’une passion couverte de ce voile d’honnêteté, a plus infailliblement son effet, que les autres les plus illegitimes, parce qu’on est moins sur ses gardes, qu’on s’en défie, & qu’on s’en défend le moins ; aussi agit-elle plus à coup sûr, & sans qu’on se précautionne des remedes qui pourroient en empêcher l’impression : d’où il s’ensuit que ces spectacles sont toûjours dangereux pour tout le monde, & qu’un Chrétien ne doit jamais se fier à sa propre vertu. […] Il sçavoit bien que pour s’attacher fortement au service de Dieu, il falloit mépriser les choses de la terre ; & que rien ne nous détourne davantage de penser aux biens solides & éternels, que de s’occuper de ces sortes d’amusemens, qui ne nous laissent qu’un dégoût étrange des veritez chrétiennes, & de toutes les choses de l’autre vie.