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23. (1640) Lettre apologétique pp. 2-42

A La Haye où son Altesse le Prince d’Orange tient sa Cour, il y a une troupe de Français qui représentent quatre fois la semaine, et où la plupart de la Noblesse, tant de l’une que de l’autre Religion assiste, sans aucun scrupule. […] Mais sans nous écarter hors la France, voyons dans les villes où Messieurs de la Religion sont, ou ont été en quelque autorité, premièrement à Saumur, où est l’Académie des étrangers, avant sa réductionn, j’ai vu diverses représentations, où le Sieur du Plessis Gouverneur du Château assistait, et le Sieur Bouchereau Ministre. […] A Nîmes, où il y a école de Théologie, pour ceux qui étudient au Ministère, il se représenta devant le Sieur d’Aubais et le Baron de la Casaigne Consuls, une excellente Tragédie des conquêtes de Pyrrus o, où les quatre principaux Ministres, à savoir le Faucher grand Controversiste, le Sieur Petit excellent en la langue Grecque, Pérol autrefois Jésuite, grand Philosophe, et le Sieur Roussel qui fut Ministre de Monseigneur de Rohan, assistaient avec quantité de leurs amis : A Montpellier pendant mes études il se fit quelques récréations entre lesquelles il se joua deux pièces, l’une tirée de Joseph, et l’autre de l’histoire de Perse, où plusieurs Ministres des lieux circonvoisins furent, et les deux Ministres de la ville, qui étaient le Faucheur à présent Pasteur en l’Eglise de Charenton et le jeune Gigort. […] A Castres on joua une Comédie intitulée le Jugement de Midas, devant le Duc de Rohan, où le Sieur du Mont et autres Ministres assistèrent : Je sais bien que quelqu’un me dira, que les poèmes que ceux de la Religion représentent, sont examinés par les Pasteurs ou parpceux qui ont charge de l’Eglise ; et que lorsqu’il s’y rencontre quelque chose contre la gloire de Dieu, ou les bonnes mœurs, on ne les souffre pas représenter. […] Si l’on m’objecte que dans la farce il y a des mots un peu libres, et de mauvaise édification qui fait que l’on condamne la Comédie, je réponds que c’est être ignorant Logicien, en ce que l’une n’est pas de l’essence de l’autre, et qu’étant deux actions différentes et séparées elles n’ont aucune analogie entre elles, et que tel aimera l’une, qui haïra l’autre, outre que s’il se dit quelques rencontres ou pointes d’esprit qui soient facétieuses, les termes en sont ambigus, et n’ont aucun sens qui puisse blesser les chastes oreilles ; Ce n’est pas que je ne souhaitasse qu’elle fût abolie, pour le peu de satisfaction que les honnêtes gens y reçoivent, cela obligerait au moins la plupart de nos Prédicateurs et les Ministres de ne quitter pas si souvent le texte de leur Evangile, pour nous étourdir la tête de telles matières, et parler avec plus de modération de la Comédie, et de ceux qui y assistent.

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