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135. (1789) La liberté du théâtre pp. 1-45

Plus nos Poëtes dramatiques avoient illustré la Nation chez l’étranger, plus on sut les avilir ; & plus leur art parut propre à former des hommes libres, plus on crut devoir rendre esclaves tous ceux qui le cultivoient. […] Certes, malgré tes défauts, qui sont ceux de ton siècle, & que tes grands talens peut-être ont rendus plus contagieux ; je vois & je révère en toi le génie le plus parfait qui ait illustré les Arts de l’Europe. […] Ne soyez pas plus scrupuleux que le Pape Léon X qui n’a cessé d’encourager l’art Dramatique ; que le Cardinal de Richelieu qui l’a cultivé lui-même ; que le Cardinal Mazarin qui a présidé à la naissance de l’Opéra chez les François ; que le Cardinal Bibiéna qui a fait la première Comédie régulière écrite chez les Modernes ; que l’Archevêque Trissino à qui nous devons aussi le premier essai régulier dans l’art Tragique. […] A des arts esclaves succéderont des arts libres ; le Théâtre, si long-temps efféminé, si long-temps adulateur, rappellé désormais à son but respectable, n’inspirera, dans ses jeux, que le respect des loix, l’amour de la liberté, la haine du fanatisme, & l’exécration des tyrans. […] Ainsi l’art de penser & d’écrire, rendra chaque jour les hommes plus éclairés, & par conséquent plus vertueux, & par conséquent plus heureux.

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