Un Peuple qui a mis long-temps son honneur dans la fidélité des femmes, & dans une vengeance cruelle de l’affront d’être trahi en amour, a dû fournir des intrigues périlleuses pour les Amans, & capables d’exercer la fourberie des Valets : ce Peuple d’ailleurs pantomime, a donné lieu à ce jeu muet, qui quelquefois, par une expression vive & plaisante, & souvent par des grimaces qui rapprochent l’homme du singe, soutient seul une intrigue dépourvue d’art, de sens, d’esprit & de goût. […] Les Italiens ont eux-mêmes reconnu la supériorité du comique Français ; & tandis que leurs Histrions se soutiennent dans le centre des beaux Arts, Florence les a proscrits de son Théâtre ; & a substitué à leurs Farces les meilleures Comédies de Molière traduites en Italien. […] Le Tartufe est un chef-d’œuvre plus surprenant encore dans l’art des contrastes : dans cette intrigue si comique, aucun des principaux Personnages ne le serait, pris séparément ; ils le deviennent tous par leur opposition. […] Ces sortes de Scènes sont comme des miroirs, où la nature, ailleurs peinte avec le coloris de l’art, se répère dans toute sa simplicité. […] Mais comme ce genre ne peut être ni soutenu par la grandeur des objets, ni animé par la force des situations, & qu’il doit être à la fois familier & intéressant, il est difficile d’y éviter le double écueil d’être froid ou romanesque ; c’est la simple nature qu’il faut saisir, & c’est le dernier effort de l’art d’imiter la simple nature.