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118. (1738) Sentimens de Monseigneur Jean Joseph Languet Evéque de Soissons, et de quelques autres Savans et Pieux Ecrivains de la Compagnie de Jesus, sur le faux bonheur et la vanité des plaisirs mondains. Premiere partie « Sentimens de quelques ecrivains De la Compagnie de Jesus, Touchant les Bals & Comedies. Premiere Partie. — Entretien troisieme. Le danger des Bals & Comedies découvert par l’Auteur des Sermons sur tous les sujets de la morale Chrétienne de la Compagnie de Jesus. » pp. 26-56

Premierement la disposition de ceux qui y assistent, lorsque par leur foiblesse, ils sont susceptibles de toutes les impressions, que ces spectacles sont capables de faire sur leurs esprits ; c’est ce qu’on appelle s’exposer à l’occasion du peché. […] Voicy la dêcision de ce grand Apôtre : Manger des viandes, quoyqu’elles ayent été sacrifiées aux fausses divinitez, est du nombre de ces choses qu’on appelle indifferentes, & je ne vous conseille pas de vous informer scrupuleusement, si celles que vous achetez pour vôtre usage, sont soüillées par cette profanation, ni de vous en abstenir pour cela ; cependant si cela est capable de scandaliser vôtre frere, qui est plus foible que vous, s’il prend occasion de-là, de retourner à son ancienne idolâtrie, il faut absolument vous en abstenir ; parce que cette circonstance en rend l’usage criminel, & il n’est pas juste de perdre l’ame de vôtre frere, que le Sauveur a rachetée au prix de son Sang, pour la nourriture de vôtre corps, ou pour vôtre plaisir. […] Paul appelle la figure, & le dehors éclatant du monde, qui ne paroit jamais avec plus de charmes, que dans ces spectacles dont nous parlons ? […] Car je veux que les comedies, ausquelles je m’arrête plus particulierement, en parlant des spectacles, que les comedies, dis-je, de ce tems, soient plus honnêtes qu’elles n’ont jamais été, cependant, ceux qui examinent les choses de plus prés, & à qui les autres vertus chrétiennes ne sont pas moins cheres que l’honnêteté, trouvent étrange qu’on les appelle innocentes, vû que le plus honnêtes ne contiennent autre chose que des passions d’ambition, de jalousie, de vengeance, de fausse generosité, & des autres vices, qui étant colorez d’une idée de grandeur d’ame, entrent facilement dans l’esprit, & ruinent tous les principes du Christianisme. […] non, encore une fois ; car comme la plûpart des veritables vertus, qui sont celles de l’Evangile, n’y peuvent trouver de place, & que ce seroit un Heros d’un caractere bien nouveau, d’y representer un homme patient, humble, insensible aux injures, & en un mot, un veritable Chrétien ; on a substitué de fausses vertus, pour exprimer, & pour exciter ces sentimens que le monde appelle nobles & genereux ; le point d’honneur, pour lequel on expose sa vie dans un combat singulier, la passion de dominer, & de s’élever par toutes sortes de voyes, des fourberies, des trahisons, des perfidies, des amitiez qui engagent dans le crime pour servir un amy ; on y voit enfin couronner le vice, authoriser l’injustice par d’illustres exemples, & les maximes les plus contraires à la Religion, passer pour de grandes vertus, & pour des exploits signalez, sans quoy le Theâtre languiroit ; il faut donc pour l’animer, y representer des choses conformes au goût & aux inclinations des spectateurs.

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