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19. (1777) Des divertissements du Carnaval « Des divertissements du Carnaval. » pp. 92-109

Si parmi les calomnies que les Païens faisaient aux Chrétiens, on s’était avisé de leur reprocher que tandis que notre Religion condamne le Paganisme dans tous ses chefs, elle en suit la licence en plusieurs points ; qu’avec une morale austère qui donne des bornes si étroites aux plus honnêtes divertissements, elle permet les joies et les fêtes des Païens ; que ses lois toutes pures, toutes saintes qu’elles sont, ne laissent pas d’autoriser en certains temps le libertinage : et que sévère ou indulgente, selon les diverses occurrences, elle permet en certains jours de l’année la dissolution et les débauches, qu’elle défend en d’autres temps : si l’on eût osé faire cet injurieux reproche aux Chrétiens, avec quelle hardiesse, avec quelle indignation eût-on d’abord crié, et avec raison, au mensonge, à la calomnie ? […] C’était l’ennemi du salut des hommes, qui, élevé presque sur tous les Autels, fier de l’empire qu’il avait sur tous les cœurs, se faisait consacrer par ces dissolutions les premiers jours de chaque année ; à quel autre principe peut-on attribuer l’institution et la coutume des scandaleux divertissements du carnaval ? […] Si l’on connaît assez Dieu pour avouer qu’il mérite qu’on le serve certains jours de l’année : quel mépris ne fait-on pas de lui, si l’on juge qu’on peut se dispenser de le servir certains autres jours ? […] Et en quelle part de l’Evangile trouve-t-on qu’il y ait des jours dans l’année où le précepte de se mortifier, d’éviter les dangers, de vivre en Chrétien, de mener une vie pure et exemplaire, et d’avoir les maximes du monde en horreur, oblige moins qu’en un autre temps ?

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