Si les idées sont ce qui frappent le plus dans les Poëmes des Anciens, dans ceux des Etrangers, & dans les notres mêmes ; s’il y a parmi nous plus de lecteurs sensibles aux idées qu’aux expressions ; si nous avons des ouvrages bien écrits, qui n’ont pas réussi ; si quelques-uns de nos Auteurs se sont acquis une haute réputation, sans s’attacher à la partie du style ; enfin, si l’expression ne fait un grand effet que quand les pensées ont un grand éclat ; les deux premieres questions énoncées plus haut seront décidées. […] Les Langues anciennes sont mortes, & nous n’en avons que des notions imparfaites. […] Nous y perdons des nuances, mais nous sommes dédommagés par l’objet principal ; & cela nous suffit pour que les idées des Anciens fassent, pour ainsi dire, valoir le rapport qu’elles ont avec les nôtres. […] Nos Poësies sont goûtées des Etrangers, qui ne savent que balbutier notre Langue ; il en résulte que le plaisir que nous ressentons à lire les ouvrages anciens & étrangers, ne peut venir que des idées sublimes.