Déchirée par ces sentimens, si puissans sur les cœurs généreux, la religion, le devoir & l’amour ; elle n’ose avouer Ces foiblesses des sens que sa raison surmonte. […] L’amour, l’ambition, la jalousie, la colère & la haine, sont les passions les plus propres à émouvoir, & les plus en usage au théâtre. L’amour, cet ennemi redoutable, à qui vous avez déclaré la guerre, y joue presque toujours le rôle principal ; mais ou il est innocent, comme dans Mithridate, Iphigénie, Inès, Didon, Pénélope, Héraclius, & tant d’autres, & pour lors il n’est point à craindre ; ou il est criminel, comme l’amour de Varus, pour Marianne ; de Phèdre, pour Hyppolite ; d’Œdipe, pour Jocaste ; alors, loin d’être peint avec ce coloris qui fait chérir la vertu, il paroît dans toute sa noirceur : Varus le déteste & en triomphe : Phèdre succombe après avoir longtemps combattu ; mais, loin de se glorifier de sa défaite, elle trouve le poison trop lent pour se délivrer d’une vie qu’elle a souillée par les plus noirs forfaits : enfin, Œdipe se prive pour jamais du jour, dès qu’il trouve une mère dans une épouse tendrement aimée. En vérité, Monsieur, un amour malheureux, puni par un supplice aussi cruel, loin d’applanir aux hommes le sentier du crime, est bien plutôt capable de les en détourner. […] Voilà donc l’amour justifié ; car vous voyez que, s’il est innocent, il n’en doit résulter aucun mal, si ce n’est par un abus fatal.