Car que voit-on en ce temps autre chose, que des objets capables de nous seduire, & de nous inspirer l’amour de la vanité ? […] Ce qui en fait le sujet, n’est-ce pas toûjours une passion d’amour, conduite par une intrigue ingenieuse, qui tient l’esprit attentif par divers incidens, dont le dénouëment se termine par là conquête & la possession de l’objet, que l’on a poursuivi avec tant d’ardeur, & tout risqué pour l’obtenir ? […] Que si l’on s’est quelquefois avisé de faire paroître sur la scene des Martyrs ; au lieu de leur donner des sentimens Chrétiens, on les a rendus profanes, en y mêlant tant d’intrigues d’amour, tant de sentiment d’ambition, tant de fierté & d’orgueil, qu’on pourroit dire que ce sont des Martyrs qui parlent en Payens. […] Il n’est pas moins inutile d’ajoûter, que quoyque l’on ne voye guere de pieces de Theâtre sans amour, & que pour l’y faire entrer, on n’a pas même égard à la verité de l’Histoire, pourvû qu’on ne sorte point de la vray-semblance ; neanmoins on n’y represente que des passions legitimes, qui ont pour fin le Mariage, que Dieu même a authorisé, & institué le premier ; parce que l’esprit de ceux qui les voyent representer, ne s’attache qu’à ce qui luy plaît, & fait abstraction des circonstances qui les peuvent justifier ; car ce n’est pas une chose que les Acteurs puissent regler dans ceux qui écoutent, ni arrêter dans les limites qui sont permises, comme fait le Poëte dans ses Vers ; au contraire les spectateurs n’en reçoivent souvent que ce qu’elles ont de criminel ; & elles agissent ensuite selon la difference des dispositions qu’elles rencontrent ; & l’on peut dire, que souvent la representation d’une passion couverte de ce voile d’honnêteté, a plus infailliblement son effet, que les autres les plus illegitimes, parce qu’on est moins sur ses gardes, qu’on s’en défie, & qu’on s’en défend le moins ; aussi agit-elle plus à coup sûr, & sans qu’on se précautionne des remedes qui pourroient en empêcher l’impression : d’où il s’ensuit que ces spectacles sont toûjours dangereux pour tout le monde, & qu’un Chrétien ne doit jamais se fier à sa propre vertu.