L’auteur de ce roman entreprend de les détromper ; mais c’est sur-tout au bien de la jeunesse qu’il croit travailler en écrivant ces mémoires. « Les peintures trop attrayantes d’un tendre amour, quelque vertueux qu’il soit représenté, intéresse, émeut, et la morale devient sans effet. […] « Si j’envisageois la chose en ministre de l’Eglise, en prêtre et interprête du Dieu de nos pères, je mettrois sous vos yeux l’essentielle et invincible incompatibilité des spectacles mimiques et de l’esprit de la religion ; je ferois jaillir de la manière la plus vive l’étonnant contraste de l’histrionisme et de l’Evangile ; je ferois évanouir comme l’ombre ces maximes illusoires et démenties dans le cœur même de ceux qui les étalent, touchant l’utilité et la décence du théâtre moderne8 ; je dirois à tous les Chrétiens rassemblés dans la contemplation d’une de ces farces de fureur ou d’amour : vous qui dans la réception du premier et du plus important bienfait d’une religion céleste, avez juré à l’Eternel un divorce sacré d’avec toutes les pompes du monde et des passions sensuelles ; songez-vous que votre attachement à ce brillant étalage de vices et de crimes, n’est qu’un long et opiniâtre parjure ? […] Mais si ces deux inconciliables ennemis ne peuvent faire de conquête qu’aux dépens l’un de l’autre ; si leur gloire simultanée est un monstre dans l’ordre des choses possibles ; que deviendra, à moins d’une révolution imprévue et subite, cette religion antique qui a couvert le globe de ses branches et de ses fruits, qu’un philosophe, qui ne l’aimoit pas, a nommée le foyer de toutes les vertus, la philosophie de tous les âges, la base des mœurs publiques ; le ressort le plus puissant qui soit dans la main des législateurs, plus fort que l’intérêt, plus universel que l’honneur, plus actif que l’amour de la patrie ; le garant le plus sûr que les rois puissent avoir de la fidélité de leurs peuples et les peuples de la justice de leurs rois ; la consolation des malheureux, le pacte de Dieu avec les hommes, et pour employer une image d’Homère, la chaîne d’or qui suspend la terre au trône de l’éternel. […] Quelle justesse de rapports avec ces qualités n’a pas la vie de comédien, qu’une farce suffit pour enrichir ; dont le travail le plus pénible se réduit à quelques récits d’amours ou de fureurs, et dont les mœurs ne se font remarquer, que lorsqu’elles tiennent encore quelque chose de la décence !