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135. (1702) Lettre de M. l’Abbé de Bellegarde, à une Dame de la Cour. Lettre de Lettres curieuses de littérature et de morale « LETTRE. de M. l’Abbé de Bellegarde, à une Dame de la Cour, qui lui avait demandé quelques réflexions sur les pièces de Théâtre. » pp. 312-410

L’amour de Phèdre pour Hippolyte ; celui de Tiridate pour Erinice sa sœur, n’ont précisément réussi que par là. […] Pour exciter ce sentiment dans le cœur du spectateur, il faut que le Poète amène avec art les aventures de son Héros ; et que la perfidie de ceux qui lui sont unis par les liens du sang, de l’amitié, ou de l’amour, le fassent tomber dans le malheur. […] Brutus ne manquait pas de tendresse pour ses enfants, cependant il les condamna à la mort, parce qu’ils avaient voulu remettre les Tarquins sur le trône ; le zèle de la Patrie l’emporta sur l’amour qu’un père a naturellement pour ses enfants. […] Cette Princesse conçoit un amour violent pour Hippolyte, fils de Thésée, son mari : Après bien des combats, elle prend enfin la résolution de découvrir à son Amant une flamme si criminelle : Ce jeune homme, plein de vertu, bien loin de répondre à cet amour incestueux, est épouvanté d’une déclaration si peu attendue : L’amour de Phèdre se change en fureur, et dans la crainte d’être prévenue, elle se hâte d’accuser son Amant, et se résout à le perdre par une calomnie horrible ; enfin elle se livre toute entière à son désespoir, et se donne à elle-même la mort qu’elle n’avait que trop méritée. […] Quoique l’amour que l’on dépeint sur le Théâtre, ait souvent une bonne fin, cela n’empêche pas qu’il ne fasse de fort mauvais effets ; car il est toujours excessif et outré ; et que les témoignages passionnés d’un amour même légitime, blessent l’imagination des personnes un peu susceptibles.

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