La danse théatrale donne-t-elle l’air noble, aisé, modeste, qui compose le maintien d’un honnête homme ; pourquoi adopter à des jeunes gens des personnages & des caractères étrangers à leur état, & les dresser à des attitudes forcées : les maîtres de danses eux-mêmes, distinguent l’art qu’ils enseignent au théatre, de celui dont ils donnent des leçons en ville, comme deux genres tous différens ; pourquoi appliquer de jeunes gens à des exercices, pour qui il est rare qu’ils ne se passionnent, & qui sont si dangéreux ? […] Les Mémoires de la Marquise de Pompadour, qu’on dit écrits par elle-même, ne sont pas un livre de galanterie, comme on pourroit le penser ; c’est une satyre de la Cour & du Ministere, sous un air de politique, semé de loin à loin de quelque trait licentieux, pour faire croire qu’une femme l’a écrit. […] Rameau m’aidoit beaucoup, il excelloit dans les airs gais, pour lesquels on avoir du goût. […] La noblesse du sujet, la dignité de la poésie, font regarder les héros comme des êtres d’une espece supérieure, & l’intérêt de l’Etat, mis en opposition avec celui de l’amour, donne à l’amour un air d’importance, qui, d’une foiblesse & d’un vice, en fait quelque chose de grand, qui n’est qu’un contre-tems malheureux. […] L’amour régne dans les plus sévéres ; dans Polieucte même, (il n’a pas osé dire pieuses) il se mêle aux affaites d’état, aux conspirations, aux intérêts les plus terribles, ce qui donne à la tragédie moderne un air de galanterie, une allure efféminée qu’on n’a point à reprocher aux tragiques Grecs : les mœurs de nos tragédies sont efféminées, donnant à Melpomene la ceinture de Vénus.