Au lieu de phiole à chaque touche répond une cassolette qui exhale ou retient son parfum à volonté, selon qu’on baisse ou lève la soupape, & comme les odeurs montent, & que les liqueurs descendent ; au lieu du canal conducteur on met sous le clavecin une pyramide creuse ou un entonnoir renversé ; on place le nés au sommet où les odeurs vont aboutir comme dans l’orgue savoureuse, on place la bouche au bout du tuyau conducteur où les liqueurs vont se rendre ; cela ne se fait pas sans rire : un homme au bout d’un tuyau qui avale une ariette, ou à la pointe d’une pyramide qui hume une chacone, une gigue fait avec celui qui touche l’orgue, une scène très-comique, mais un grand inconvénient, c’est qu’on ne peut régaler qu’une ou deux bouches, un ou deux nez à la fois, & qu’à mesure que la liqueur s’écoule, il faut en verser des nouvelles, au lieu que l’air & la lumière fournissent sans se consumer à une foule d’auditeurs ou de spectateurs. […] Les gens à tabac ont de même sans cesse la tabatière à la main, manie ridicule, jeu puérile comme un enfant qui remue son hochet, & dont par une autre puérilité on veut faire un air d’élégance ; on est enfant à tout âge. Les Orientaux & les Peuples qui habitent les pays chauds sont communément plus adonnés à l’incontinence ; & l’une des raisons de ce penchant est que tout y est parfumé par la multitude innombrable des fleurs qui croissent sur tous les arbres & dans toutes les campagnes, & embaument l’air. […] Balsama qui semper cinnama semper olet On les renouvelloit à chaque service, & les parfums étoient toujours un plat essentiel, c’étoit le bon air, l’élégance du temps. […] Je ne suis pas surpris que les femmes aiment tant les odeurs, elles sont sujettes à mille infirmités qui saisissent l’odorat ; pardonnons leur d’avoir recours à un remède si nécessaire, c’est une espèce de fard, le rouge prépare le défaut de la couleur, le parfum celui des odeurs ; on veut en faire une espèce de grâce, & lui donner un air de délicatesse.